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Aborder les mythes grecs à l'école primaire, P. Galinier et D. Schlesinger

Pourquoi étudier les mythes dans notre école ?

École primaire Romainville, classée Réseau d’Éducation Prioritaire, dans le XIXème arrondissement de Paris

Dimitri SCHLESINGER est Maître Formateur à l’école Romainville B, rue de Romainville, à Paris XIXème en CE2/CM1 ; Pascale GALINIER, est professeure d’école à l’école Romainville B en CP. Ils sont assistés dans ce projet par Nicole WELLS, professeure en retraite de littérature et de théâtre à l’IUFM de Créteil.

Un premier projet « Viens lire au Louvre » en classe de CM2 s’est transformé en Projet d’Actions Culturelles (PAC) pour l’ensemble de notre école. Grâce à ces projets, l’accès aux visites du Louvre et de la « Petite Galerie » a été plus facile et donc plus fréquent et des reproductions d’œuvres nous ont été prêtées dans l’école.

L’intérêt scolaire de ce projet

L’étude des mythes en lien avec les thèmes de la « Petite Galerie » ou les sujets abordés lors des visites au Musée du Louvre nous semblent adaptés à notre population d’élèves pour différentes raisons :

— Ce travail permet aux jeunes enfants de s’identifier aux héros qui appartiennent à leur culture (dessins animés, contes…). Cette identification fait partie des étapes de développement des enfants. Elle les aide à grandir, à développer leur imaginaire (Ex : Hercule)

— Notre école se situant en REP (Réseau d’Éducation Prioritaire), beaucoup d’enfants sont confrontés à des situations violentes dont on parle peu. Ces textes peuvent les aider à formuler leurs peurs et parfois même, à dépasser leur crainte d’apprendre (Cf. Travaux de Serge Boimare en établissement spécialisé). 

— On peut à travers ces textes aborder les principes et les valeurs des sociétés, les qualités et les défauts de l’être humain, ses craintes et ses désirs. 

— En s’appuyant sur ces textes imaginaires, les enfants d’origines variées peuvent aborder des questions existentielles tout en gardant une certaine distance (effet miroir).

— Ces textes permettent de développer une attitude citoyenne en donnant lieu à des débats, en développant chez les enfants le sens critique (Cf. Instructions Officielles « La formation de la personne et du citoyen »).

— Ils donnent des références culturelles et construisent un patrimoine commun. Les dieux et héros grecs se retrouvent dans notre quotidien à travers des lectures d’images, d’œuvres ou des expressions (dire de quelqu’un que c’est une Cassandre, le fil d’Ariane…). Ils permettent de mieux comprendre le monde qui nous entoure et dans lequel nous vivons. (Textes fondateurs de nos sociétés).

Tout ce travail fait partie intégrante des objectifs de lecture, écriture, langage oral de l’école primaire, en lien avec les autres matières :

— Dans le cadre des Instructions Officielles, l’étude des mythes est préconisée pour décloisonner les disciplines : français – histoire – histoire des arts – arts visuels… Cette étude donne lieu dans notre établissement en fin d’année à un journal spécial « Louvre ».

— L’étude des mythes faisant partie du programme au collège, la sensibilisation dès le primaire ne peut être que bénéfique et pourrait même faire partie d’un lien école/collège.

Méthodes de travail

En CP :

Les mythes sont d’abord racontés, puis retranscrits par les enfants via le dessin et un travail écrit. Certains passages peuvent aussi donner lieu à une anticipation orale de la suite qui génère des attentes de lecteur.

— Il y a deux ans, le sujet de la « Petite Galerie » du Louvre portait sur les Mythes fondateurs : « D’Hercule à Dark Vador ». Les mythes d’Hercule ont donc été abordés en classe et retranscrits par les enfants. Il a été très étonnant de constater que les dessins des enfants étaient très proches de certaines sculptures du Louvre (telles que celles de l’Hydre de Lerne). Les visites au Louvre qui ont suivi ont permis de reconnaître Hercule et différents dieux grecs. Ces enfants, aujourd’hui en classe de CE2, ont immédiatement reconnu dans un tableau de la « Petite Galerie » le roi Henri IV représenté en Hercule terrassant l’Hydre de Lerne.

— L’année dernière, une reproduction de « L’Amour menaçant » de E.M. Falconet a été installée par le Louvre dans notre école. Cette sculpture d’abord recouverte a donné lieu à une anticipation de l’œuvre par sa forme visuelle puis par le toucher. Enfin, une fois découverte, elle a été l’objet d’une description. Elle a permis d’étudier deux mythes dans lesquels l’amour intervient : Daphné et Apollon et le mythe de Psyché.

En CE2-CM1-CM2 :

On travaille l’hyper-textualité : on passe du mythe classique à sa réécriture dans un contexte contemporain qui respecte les enjeux et les questions posées par le texte d’origine. En parallèle, un travail théâtral est mené qui permet de nourrir l’écriture et réciproquement. Par exemple, le mythe de Narcisse et Echo a permis aux enfants d’aborder la problématique contemporaine des portables, selfies et réseaux sociaux… 

Les textes d’origine sont lus aux enfants à la fin du travail de théâtre et d’écriture et donnent lieu à une lecture (dans une version résumée) et à une représentation théâtrale au Louvre lors de la Nuit des Musées.

Travailler sur les textes d’origine (Homère, Ovide, Sophocle) est un choix qui permet de mener dans la classe un travail de débat et d’argumentation relatif à la « formation du jugement » (Cf Instructions Officielles). En CP/CE2/CM2 : Antigone, de Sophocle Le thème de la « Petite Galerie » du Louvre portant cette année sur « Le théâtre du pouvoir », il nous a semblé intéressant de permettre aux enfants de s’interroger sur l’exercice du pouvoir, l’obéissance à la loi et ses limites. Le choix d’Antigone nous a paru tout indiqué.

Le travail en cours est mené en plusieurs parties :

— Un premier travail de trois mois autour de chiens (personnages auxquels s’identifient les enfants) confrontés à un décret inacceptable a permis d’amener les enfants à s’interroger et se positionner sur le rapport à la loi. 

— Une imprégnation du monde grec antique a été menée à travers des documentaires, des visites et des lectures (Œdipe, Perséphone).

— Un travail de théâtre mêlant objectifs théâtraux et littéraires a permis aux enfants de vivre et ressentir de manière corporelle la teneur d’un texte inconnu. Ainsi ils en comprennent mieux le contenu et les subtilités.

En CM2, un travail d’écriture est mené en parallèle : « Sauver Antigone » où la problématique du texte de Sophocle est transposée de nos jours. Après lecture du texte d’origine, une lecture de la version résumée et une représentation théâtrale seront données au Louvre lors de la Nuit des Musées.

En CP, l’histoire sera racontée puis des passages seront dessinés et annotés. Elle donnera lieu à des débats sur des choix possibles des personnages. 

Pour conclure, nous sommes persuadés, de par notre longue expérience, qu’il est possible d’aborder des textes difficiles du CP au CM2 et même en maternelle : par exemple l’étude d’Ulysse en Grande Section de maternelle. 

À travers le dessin, l’oral et l’écrit, notre travail participe à la mémorisation de ces mythes et à l’étude des questions qu’ils posent, par l’entremise de débats ou d’écrits transposés dans le monde contemporain. Les enfants se forgent peu à peu une culture et une meilleure compréhension du monde qui les entoure tout en développant des comportements citoyens. 

Tous ces différents projets nous amènent à la conviction que les élèves d’aujourd’hui, mis dans des conditions favorables et motivantes prennent plaisir dans la lecture et l’écriture. L’étude des mythes, si elle propose une ouverture culturelle et permet aux enfants de construire une culture commune, nous permet également de contribuer à la formation d’élèves ayant confiance en leurs qualités et capacités d’apprentis lecteurs et auteurs. 

Nous espérons ainsi, par tout ce travail sur les mythes grecs, les mettre dans des conditions qui favoriseront leur réussite au collège et dans la suite de leur scolarité.