Voici le texte des trois premiers prix de l'édition 2018 du concours de nouvelles Jacqueline de Romilly.
Premier prix (ex-aequo), catégorie CPGE : Martin Houssaye (lycée Montaigne, Bordeaux), "Quand tout sera fini plus tard en Erivan"
« Enver arrive ce matin »
Ioannis était venu lui annoncer la nouvelle. Alors Roupen avait fait chauffer de l’eau et avait infusé une poignée de plantes à l’intérieur. Ensuite il s’était penché à la fenêtre pour regarder Constantinople s’éveiller, en attendant Enver.
C’était un beau lundi matin. Les eaux noires de Marmara s’éveillaient, et il n’y avait pas encore foule sur les eaux sinon quelques navires assez loin des côtes. En scrutant, il distingua seulement une petite barque de pêcheur qui se dirigeait vers les quais. Le ciel était d’un rosé presque écarlate, juteux comme une grenade, avec une lumière bruinant sur les monuments alentour. Le Bosphore semblait encore comateux d’hier soir, s’éveillant avec la pesanteur d’une ancre, dans la cacophonie mélodieuse et triste des grandes villes orientales. Roupen se détourna quelques instants. Il repartit vers la cuisine, attrapa puis posa l’infusion sur le rebord de la fenêtre. Celle-ci exhalait des vapeurs moites et amères. Il se pencha pour en prendre une lampée et, se ravisant finalement, promena son regard à travers la pièce : Une corbeille de fruits, qu’il avait achetée avant-hier, trônait sur la table principale où il déjeunait d’habitude. Il y piocha un abricot mûr qu’il découpa en tranches, et ce faisant, il déposa les morceaux de fruits au fond de son infusion pour en adoucir le goût. Un agréable encens se répandit dans l’appartement. Il s’assit alors, et son grand visage brun et osseux n’exprima rien. Il attendait.
Brusquement, il but. Le goût, adouci par l’abricot de Malatya, était aigre-doux, un peu âcre par endroits mais néanmoins réconfortant dans la froideur matinale. Il roulait comme un vent chaud à travers son palais. Après la première gorgée, il garda la tasse en main et se promena un peu dans son appartement. Roupen avait longtemps étudié l’histoire antique à Constantinople et en avait fait son métier. C’était un grand homme sec aux joues creuses comme des caldeiras, dont les yeux noirs perçaient un visage tracé au couteau. Une chevelure couleur corbeau, épaisse et charbonneuse, coiffait le pinacle de son crâne et en brisait rudement les angles. Son visage buriné était à l’image de son caractère. Il sortait peu de l’hôtel particulier où il logeait, sinon pour aller dans les bibliothèques effectuer ses recherches. On ne lui connaissait pas d’amis, ni même de relations. Il paraissait traverser la vie avec froideur et avoir choisi d’étudier l’histoire précisément parce que les évènements de la vie ordinaire l’indifféraient. Son seul intérêt allait aux artefacts antiques qu’il gardait chez lui, parmi lesquels une sélection de gravures ciliciennes extrêmement rares qu’il rangeait dans de grandes vitrines éclairées par des moucharabieh.
Pourtant ce jour-là, il n’eût pas un regard pour elles. Au lieu de cela, il s’avança avec déférence vers ses ouvrages antiques et lorgna vers l’étage inférieur de l’étagère qui lui tenait lieu de bibliothèque et qui concernait les ouvrages latins, pour la plupart des reproductions. De nombreux auteurs y étaient répertoriés, de Sénèque à Apulée, en passant par Quintilien. Posant un index sur les reliures ocreuses, il traça alors un long sentier de livre en livre jusqu’à arriver à Tite-Live. Il saisit alors le livre XXIX de l’Histoire Romaine puis retourna à sa table, toujours parfumée de la brûlante odeur de tisane. Il posa le livre à côté de lui, et il s’arrêta, interdit et solennel, pour écouter le spectacle terrible qui se produisait chaque matin à cette période dans les cieux de Byzance : Le retour des pélicans.
Chaque hiver, ceux-ci partaient chercher asile en Extrême-Orient dans des terres lointaines afin de subvenir à leurs besoins. On ne les voyait parfois plus pendant de long mois, au point de les penser disparus lorsque ceux-ci retardaient leur arrivée à cause du mauvais temps. Mais le printemps revenu, ces immenses armées d’oiseaux passaient invariablement le Bosphore pour retrouver les marais et les terres sèches et montagneuses qu’ils avaient abandonnées. Alors une clameur glorieuse annonçait leur arrivée comme un cor de guerre, aussi Rouben ne s’étonna-t-il pas d’entendre les cris martiaux des oiseaux depuis sa fenêtre. Au départ il lui semblait toujours n’en voir qu’un petit groupe, mais ils devenaient, au fur et à mesure de l’approche, plus nets, au point qu’il en distingua quasiment douze groupes volant de façon espacée. Il put enfin clairement distinguer les remiges brillantes et coupantes et les becs en hache des animaux, lourds et jaunes comme des soleils factices. Enfin le choeur tomba, mélodieux comme un requiem, au dessus du pont de Galata. Le temps se suspendit. Puis les chants et les silhouettes s’éteignirent au fur et à mesure qu’il s’éloignaient. Les passants reprirent les activités qu'ils avaient interrompues et seul Roupen resta à la fenêtre. Il estima alors qu’il lui restait une dizaine de minutes. Il ouvrit donc finalement son livre, et repoussant la chaise, il commença à déambuler dans son appartement, car il n’aimait pas être immobile quand il lisait.
(1) « T. Quinctius Flamininus se rendit en ambassade à la cour de Prusias, qui était devenu suspect aux Romains pour avoir accueilli Hannibal depuis la défaite d'Antiochus et entrepris la guerre contre Eumène. »
Son pas s’était saccadé à l’évocation de Prusias. Il marqua une pause et respira profondément. Son corps frissonnait, ce dont il n’était pas accoutumé. Il revint précipitamment à la fenêtre ; La rue semblait déserte à cette heure, et seuls quelques clients de l’hôtel allaient et venaient près l’entrée. Personne n’arrivait.
Ses lèvres minces s’écrasèrent et il se maudit alors de sa faiblesse. Rouben avait lu et relu le Phédon sans cesse lorsqu’il était plus jeune, allongé sous les cédratiers de Gyumri. D’aussi loin qu’il se souvienne, il avait toujours été grave et tempéré mais il ne parvenait pas à se calmer aujourd'hui.
C'était un grand paradoxe que d'éprouver à la fois de la fascination pour Socrate et Hannibal, et il se pensait singulier en cela. Il admirait la modération et l'intelligence du philosophe, mais plus encore, il aimait profondément l'honneur inébranlable d'Hannibal qui préférait la mort au déshonneur d’être livré à l’ennemi, et qui supportait celle-ci sans jamais faillir. Roupen se trouva lâche.
Il connaissait le texte, mais chaque mot tombait ce jour-là comme s’il avait été complètement étranger, comme si le langage s’était désagrégé, que le sens était tombé en poussière. Tout existait, sans règle aucune, dans un chaos de symboles. Néanmoins, il sentit qu’il devait poursuivre.
(3) « Peut-être aussi que Prusias lui-même, voulant faire sa cour aux Romains et à leur représentant, résolut de mettre à mort un hôte si dangereux ou de le livrer aux ennemis. Du moins aussitôt après l'entrevue du prince et de Flamininus, des soldats eurent ordre d'aller investir la maison d'Hannibal. »
Au jeu d’échecs, les fous sont toujours ceux qui se trouvent le plus près du roi songea-t-il. Hannibal, tout grand stratège qu’il fût, avait été incapable de le comprendre à temps. Roupen se souvint qu’il avait l’habitude de jouer avec son père, quand celui-ci venait lui rendre visite à Constantinople. C’était alors de longues parties qui se poursuivaient jusqu’au dîner. Mais maintenant, il ne pouvait plus jouer. L’échiquier demeurait, vide et dénué de sens, sur sa table basse. De surcroît, il manquait un fou dans les pièces noires. Enfin il n’en était pas sûr, car sa vision se troublait.
Tout ça n’avait plus vraiment d’importance.
(4) « Ce général avait toujours pensé qu'il finirait ainsi, quand il songeait à la haine implacable que lui portaient les Romains et au peu de sûreté qu'offre la parole des rois. »
Hannibal, s’il avait réellement pensé ça, avait été inexact songea Roupen. Les poignards se trouvaient non pas dans les sourires des rois, mais dans le pouvoir lui-même. Empire, royaumes, républiques, pachaliks, sultanats, tant que ceux-ci étaient tenus par des despotes, alors qu’importait le nom du despotat ? C’était la République qui avait assassiné Socrate.
En pensant au philosophe, il continua de marcher. Sa respiration sifflait. Il lui semblait voir la lumière se distordre autour de lui, comme si un poing était en train d’étrangler les rayons de soleils. Les lettres bougeaient sur la page.
(9) "Délivrons, dit-il, le peuple romain de ses longues inquiétudes, puisqu'il n'a pas la patience d'attendre la mort d'un vieillard. »
Une quinte de toux violente saisit alors Roupen. Il lui semblait que du sang remontait vers son palais. Un voile mauve couvrait l’appartement comme une lueur de vitrail. Roupen savait. Il respirait. A peine. Il fallait. S’allonger et attendre.
Il s’affaissa et c’est alors qu’il l’aperçut.
Lorsqu’il était parti de son Arménie natale, Hovhannes, son père, lui avait confié un crucifix qu’il tenait de sa famille. La religion l’avait toujours profondément ennuyé, mais Roupen l’avait accepté pour faire plaisir à son père. Que valaient des divinités qui pouvaient faire condamner les plus grands philosophes ? Et puis hier, ce dimanche d’Avril 1915, Roupen avait haï Dieu de toutes ses forces. Il l’avait haï parce que tous ses collègues, tout son peuple, toute sa famille étaient partis vers des sables d’où ils ne reviendraient pas. Il l’avait haï parce qu’on l’avait oublié. Il l’avait haï parce qu’il n’y avait plus et songeait-il, il n’y aurait plus d’Arménie désormais. Il avait piétiné ce crucifix auquel son père tenait tant, l’avait jeté au sol, et il était resté, prostré, muet, incapable de pleurer, incapable de mourir.
Et maintenant, il le revoyait. Le bois était par endroit émaillé de fêlures, les branches un peu tordues mais la croix demeurait reconnaissable. En revanche, le Christ semblait complètement défiguré. Ses bras, brisés, avaient été fissurés par la botte de Roupen. Il lui semblait, à cause des hallucinations, que sa figure jaunie s’avachissait sur elle-même, comme si le nez s’effondrait. La tête n’avait plus rien d’humaine, mais celle-ci gardait quelque chose de rassurant, de familier, d’ineffable, d’animal.
Et soudain il comprit. La statuette représentait un pélican crucifié.
Alors Roupen ferma les yeux. Il n’avait pas failli.
Lorsqu’Enver vint arrêter Roupen, il trouva la porte ouverte. Un parfum subtil, fruité et mortel flottait dans la pièce. Dans la pièce, Roupen était étendu. Une petite flaque de sang s’était formée autour de sa bouche. Il tenait un crucifix dans la main gauche, l'autre main saignait abondamment, coupée par les éclats d'une tasse. Des morceaux d'aconit napel et d'abricots jonchaient le sol comme de petites fleurs dans un ruisseau pourpre.
« Empoisonnement par neurotoxine » songea Enver.
Il s’apprêtait à sortir mais le sol qu’il piétinait attira soudain son attention. Le sang avait serpenté entre les fleurs et les planches, et l’ensemble rayurait le parquet de façon éclatante : Le rouge du sang, le bleu de l’aconit, l’orange de l’abricot. L’ensemble formait un drapeau élégant sur le bois.
Enver ne sut pas pourquoi, mais il se sentit vaguement mal à l’aise. Il referma finalement la porte, et descendit, troublé, les marches de l’escalier menant hors de l’hôtel.
A l’extérieur il faisait frais et il décida de longer un instant les quais.
Le ciel avait perdu sa teinte rose, et arborait maintenant un gris moite. Il pleuvait. Enver prit une bouffée d’air marin en regardant les barques s’éloigner du port. La mer était complètement noire maintenant. Au large, il lui semblait voir des milliers de Charon guider les âmes.
Premier prix (ex-aequo), catégorie CPGE : Alexandre Peret (lycée Montaigne, Bordeaux), "Les derniers mots"
Aussi loin que ma mémoire puisse me porter, je crois avoir toujours été heureux.
Tel est un constat qui ne peut être énoncé qu’à l’heure où la fougue inquiète de la jeunesse s’est tue, au serein bénéfice d’une tranquillité mature.
La vue d’un homme âgé décline ; j’ai pourtant l’intime conviction de voir bien plus clair à mesure que les minutes coulent, attirées sans rancœur par un port où tout s’achève. Curieux paradoxe, qui fait du doyen un phare, le seul à même d’éclairer sa cité noyée dans les ténèbres, lui qui de jour, doit sans cesse compter sur eux pour se déplacer sans risques.
Je crois avoir toujours été heureux.
Il est aisé de s’en convaincre, lorsque parvenu à quatre-vingt-quatre ans, on contemple depuis ses doux jardins, une vie caressant son terme, ayant été bercée de privilèges et menée sans réels à-coups. Ce passé clos et sans échos sensibles, dès lors est vu dans sa vertigineuse unité. Un regard d’ensemble, doublé d’un recul introspectif que la seule patience de la vieillesse octroie ; de même que l’on apprend les lettres grecques avant d’oser philosopher, on vit longtemps dans l’inconfort pour mourir apaisé.
Je pense l’avoir toujours su. Une rude frontière ne cessera cependant jamais d’éloigner une volonté de son accomplissement. Aussi, jeune homme bien intentionné, j’ai chéri les instants où mon âme goutait au repos, autant que j’ai perdu des jours à créer ses naufrages.
J’ai sacrifié sans l’avoir consenti, un peu de mon temps à m’inquiéter, ou bien à me languir, une fraction encore à agir sans volonté, et combien de vies à espérer vainement ?
En cela, j’ai pleinement vécu.
C’est une riche imperfection qui m’a chaque minute façonné. Je ne déplore rien.
Ce n’est qu’en ces derniers instants que tout peut être compris.
J’aime cette lumière aux échos immortels. Mère d’un charmant optimisme, elle renforce en mon cœur, la foi d’avoir raison. On n’essuie les tempêtes qu’en songeant au soleil. On survit aux affres de nos jours, au seul prix d’un espoir immuable en demain. J’ai la certitude d’avoir été brave.
Et l’azur fidèle de mon ciel de Rome, et de Rome éternelle mon éternel amour, sont sources et finalités de chacun de mes combats.
Bientôt je m’envolerai, libre et sans une plainte.
J’eus été seul Empereur en ma maison, où Antonin n’a nul pouvoir.
Moi petit point dans l’éternel, qui déjà s’efface et chute :
Oui je crois être heureux, et n’avoir aucun regret.
-
Il n’y a pas de plus belle ville que Rome.
Il faut se méfier des vérités générales. De fait, ceci n’en est pas une. C’est mon seul avis que j’engage. Je le pense fruit de raison, et c’est ayant vu le monde que j’en élis comme reine, la cité de tous mes retours.
Je n’ai pu la quitter bien longtemps. Suivre Trajan jusques en Dacie fut formateur, mais j’ai goûté le repos qui suivit jusqu’à m’en épuiser. Paradoxe de celui qui étudie tant qu’il s’en essouffle.
Mais l’air est vivifiant au sein de sa propre demeure. Je peux l’affirmer mieux que quiconque. Et ce goût pour les jours paisibles, cette essence solitaire, ont fait de moi un patricien atypique.
Au cours de cette vie publique, en effet, j’ai délaissé le Sénat. J’en suis venu à n’être plus vraiment romain. Mais vivant loin d’ici, j’ai su qu’aux champs fleuris, je préfère mon forum. Mes jours devaient se clore au berceau de la civilisation qui avait inspiré tous mes mots, guidé tous mes éloges et ravit tant ma mémoire que ma foi en l’avenir.
C’était pourtant un monde d’où jaillissaient mes rares colères.
Paradoxe de celui qui pense tant qu’il n’en sait plus quoi penser.
Il me fallut choisir.
Je l’ai dit en souriant : j’ai vécu de longues années loin de Rome, trouvant en ma campagne de Lucanie, un repos salvateur. Il ne m’était plus possible d’exister dans la cité. Etais-je devenu monstre ou dieu ? Eh non, je n’avais guère subi de métamorphose.
C’était sous mes yeux que tout courait à sa perte.
Je mesure tout de même le privilège de mon temps, n’oubliant pas les affres des règnes d’il y a un siècle. Mais ces deux époques romaines ne sauraient être opposées avec manichéisme. Si on a, de même, déploré les manipulations de la guerre civile, on ne peut nier l’hypocrisie et le vice qui continuent de hanter notre Sénat. Si nous maudissons ce passé, il nous faut savoir que rien n’a changé.
Je n’aurais pas aujourd’hui la force de relater ces histoires aberrantes ; j’en aurais bien volontiers le courage. Là n’est pas l’essentiel.
A l’heure de partir, alors que, je le sais, plus rien de mes forces ne saura être consacré à cette cause, je préfèrerais, pour elle, initier et clore une réflexion.
Une vie d’interrogations, résumée en quelques phrases affirmatives. Pourrais-je y parvenir ?
-
Ce qui aura été pour moi la plus grande source de désarroi, est la préoccupation de toute génération : pourquoi les hommes, voulant tous être bons, glissent-ils vers la perversion ?
Succède immédiatement à ce constat alarmé, une nouvelle énigme : comment préserver le Bien ?
Mille réponses incomplètes auront jailli en un instant, quelques unes de plus en quatre-vingt années ; aucune vérité n’existe ici bas. J’essaierai d’apporter, dès lors, la moins mauvaise des réponses.
Platon est le socle de nombre de mes pensées. La thèse du philosophe-roi m’a toujours convaincue. Là est un somptueux Idéal. Jamais réalisé. Il ne manque pourtant que peu de choses. Que Rome confie les clés de l’Empire à un homme reconnu comme réellement sage, et tout ira pour le mieux. Les objections pleuvent déjà, et l’exemple que je comptais employer pour soutenir le disciple de Socrate, déjà tombe à l’eau. Je voulais parler d’Hadrien. L’homme qui m’a fait rentrer à Rome. Celui qui fut près de me convaincre d’accepter le consulat. Celui qui, d’un pouvoir immense, a fait un usage éclairé.
On me rétorquerait, avec justesse, qu’il n’a pas agit seul. Sans l’influence du Sénat, peut-être aurait-il sombré dans la tyrannie ? Je ne peux pas affirmer, malgré ma conviction, que cela eut été impossible. Alors que faire ?
Il faut un dirigeant, il en faut plusieurs. Il faut ainsi donner le pouvoir à des êtres inconnus, dont le tempérament pourra aussi bien osciller de la modération à la folie. La politique est un risque immense. Mais la vie d’une cité repose sur la confiance. La crainte permanente n’est pas permise à celui qui entend vivre parmi les hommes. Il n’y a en fin de compte pas d’autre vie.
Il m’aura fallu la vivre toute entière pour l’affirmer sans oscillation. Et si l’homme un temps, gagne à s’isoler, il est à terme, un membre inaliénable de sa cité.
Il faut se surpasser. J’aurais, et c’est un moindre mal, appris à n’espérer de prouesses de personne. J’aurais à chaudes larmes, assimilé ceci : « tu peux longtemps parler, vouloir convaincre et éclairer ; jamais les gens ne sauront capter la pureté de ton discours. »
Et comme un refuge intime, qui aussi longtemps que les troubles du monde extérieur se jouent, nous sauve et nous réconforte, j’ai acquis une conviction. Si ferme et si précieuse, que j’aimerais à cet instant, la confier à n’importe quel enfant, naissant aujourd’hui : « Petit être, toute ta vie, garde en ton cœur la fierté d’être qui tu es. Si personne n’entend ton excellence, console toi de la connaitre. Et si tu venais à n’être jamais des hommes, reconnu pour ce que tu es, que les Dieux aient vu ta franchise, peu t’importera le jugement de ceux de ton siècle. »
Que ces mots ne se perdent pas, et toujours perdront les maux.
Je voulais initier une réflexion ? J’ai bien davantage exposé une attitude. Du moins, celle qui fut la mienne face au désolant spectacle des bassesses humaines.
Une vie en forme de question, close par des certitudes ?
C’était bien trop ambitieux.
-
Que sera Rome dans trois siècles ?
Cette apostrophe à l’avenir fut sans nul doute déjà énoncée il y a trois cent ans. C’est que je tourne en rond, à force d’interrogations vaines.
C’est pourtant une considération sensée.
Tout ce qui est fait aujourd’hui, de toute évidence est fait pour demain. C’est, quoi qu’il en soit, une conséquence de l’œuvre des mortels, que de s’ancrer dans l’éternité.
Combien d’esclaves ont façonné le Colisée, combien de mains ont pavé nos routes, combien d’hommes ont délibéré, combattu, avancé, fer, plume, ou courage à la main, au seul nom de cet Empire ? Quelque chose de plus grand que nous ne cessera jamais de briller.
Cette humilité est importante. Je la pense, depuis quelques décennies, valeur romaine. C’est l’idée d’un service rendu à la patrie, à la civilisation, à l’immuable. Ainsi engagé, l’homme n’a qu’une angoisse : qu’un jour périsse tout ce qu’il a minutieusement façonné.
Le spectre de la barbarie effraie. On raconte que par delà le limes, le mot de « culture » est intraduisible. Dès lors, on craint que Rome soit un jour victime d’un tel obscurantisme.
J’ai moi aussi peur pour ceux que je laisserai bientôt. Je veux croire que je n’ai rien gâché de ce qui me fut confié. Mais c’est parfois au-delà des frontières de mon jardin que mon âme est compatissante. A tout âge, j’ai passé de profondes minutes à me questionner sur la souffrance du monde. Celle de ces femmes qui perdent un époux au combat, de ces jeunes innocents privés de tout, de ces lointains asservis que je ne connaitrai jamais.
J’avais à temps perdu, des douleurs d’outre-mer.
J’ai la certitude que, sur ces sujets, Antonin pense comme moi. Tout est vain. Aussi, il le sait : l’Empire un jour, ne sera plus.
Là est un autre point qui n’est plus pour moi source d’anxiété.
Nos temples ne tiendront sans doute pas trois mille ans ; les Dieux ne s’en offusquent pas. Notre armée perdra des batailles ; je jure que nos lettres et nos sciences n’en seront pas affectées. Rome ne contrôlera plus le monde ; le monde, jamais n’oubliera Rome.
Car il est ici bas des fondations incertaines, dont le somptueux paradoxe est d’héberger les fragments d’une âme transcendantale.
Nous avons œuvré de toutes nos forces. Je pense pouvoir partir la tête haute, avec au cœur, le sentiment d’avoir tout essayé, de mon mieux, hardiment, jusqu’au bout, et aussi longtemps que ma phrase durera, je voudrais crier mon bonheur.
Rien ne sera jamais écho de perfection.
Je suis comblé de la modeste excellence de mes années.
L’heure est venue pour elles de s’achever.
-
Ce soir, je vais mourir.
Je l’ai dit d’une façon moins laconique à Pius, ce matin. Il a tout de même pour mission de me préparer la cigüe. Je m’endormirai avec le soleil, pour la dernière fois. Je sourirai.
Une dernière fois, je serai maître de ma vie. Je m’octroie encore une journée.
J’arpente Rome avec une énergie renaissante. En vérité, je ne saurais dire quelle fut l’étendue de ce dernier voyage ; j’ai essentiellement revu celles et ceux que je voulais revoir. J’ai salué une fois de plus ma monumentale amie de marbre et d’or. Tout va bien.
Tôt, il fut l’heure de rentrer.
Le temps passe et ne se mesure jamais.
Et à l’image d’une vie entière, comme si chaque instant devait renfermer un peu de l’essence de ce monde, le seul chemin de ma maison fut l’occasion d’une énième surprise.
Ce sont deux jeunes garçons qui, à l’angle d’une ultime route, devaient sans le vouloir, être mes derniers camarades. Une rencontre finale.
Couvrant la fine rumeur de la rue encore animée, ils n’ont pas manqué d’attirer mon attention. Alors qu’à distance, j’étais incapable de comprendre la nature de leur apparente querelle, j’ai été éclairé par le son de leurs jeunes voix déjà invectives :
- « J’ai pas peur. On ira dans l’arène, si tu veux vraiment te battre !
- Tu veux rire ... un froussard idiot comme toi ! »
C’était trop navrant.
Je ne voulais pas garder cette image de la jeunesse. Je me suis adressé à eux, et en quelques questions, j’ai mesuré l’absurdité de leur affrontement. Tout était parti de rien, comme toujours.
Et dans leurs yeux brillants d’une malice agressive et dans leurs bras encore fins déjà disposés à la lutte, j’ai trouvé la réponse à mille questions.
Comme la fin inattendue de la quête du sens.
La vie, dont je pensais avoir mérité de me défaire paisiblement, n’était pas finie.
J’ai su à cet instant, que jamais, jamais l’on ne peut dire son histoire close.
J’ai compris que peu importait le sentiment du devoir accompli, cette fabuleuse ataraxie qui est mienne depuis peu, j’ai compris, et là sera sans nul doute ma dernière leçon, que l’homme a toujours, toujours un peu plus à faire.
Tout est vain ? Là est la meilleure raison d’agir encore. Prolonger l’absurde imperfection du trait de notre existence est la plus belle et la plus brave de nos œuvres.
Demain matin, je me lèverai avec le soleil. Je sourirai.
Les deux jeunes garçons réconciliés viendront me rendre visite. Je serai, aussi longtemps que les Dieux me garderont à cette Terre, leur modeste professeur.
Il y aurait encore tant à dire, à chanter et à écrire.
Il y aura toujours un peu plus à ressentir, à préserver et à chérir.
Le temps nous offrira juste ce qu’il faudra.
Premier prix, catégorie lycée : Lilou Marbais (Ensemble scolaire Notre-Dame-Saint-Sigisbert, Nancy), "La copie"
Il avait les yeux rivés dessus depuis plus d’un quart d’heure.
La copie.
Il la relisait sans cesse, encore et encore.
Les yeux noyés de larmes qui refusaient de couler.
Personne n’aime les larmes, car celui qui pleure, c’est celui qui dévoile sa faiblesse au reste du monde. Celui qui laisse tomber les apparences, le masque qu’il s’est fabriqué. Celui qui admet que les émotions qui l’agitent sont trop violentes pour lui, irrépressibles, impossibles à contenir.
Il faut se cacher, ne jamais rien montrer. Se contrôler.
Mais à quoi bon continuer la mascarade, alors que les secondes s’enfuient, insensibles et meurtrières ? A quoi bon nier le tumulte de son cœur, alors que le temps qu’il nous reste se réduit comme peau de chagrin ?
Il avait les yeux rivés dessus depuis plus d’un quart d’heure.
La copie.
Il lui semblait que son univers s’était soudain réduit à cette maigre composition, réalisée en une heure, peut-être moins. Une copie double banale, classique, décorée par une écriture fine et serrée. Le stylo plume, les courbes légères et discrètes des lettres, tout indiquait l’élève studieux, sans histoire.
Une fois de plus, il jeta un coup d’œil au prénom. Lola Desprez. Une petite blonde, effacée, prenant rarement la parole en classe ; une élève néanmoins sérieuse et investie, étudiant avec rigueur. Il ne l’aurait jamais crue capable de… ça.
Il avait eu l’idée à peine une semaine plus tôt. Avec la classe des latinistes de première, il venait de finir une séquence plutôt conséquente sur Pompéi, et il lui avait paru impensable de les laisser partir en vacances sans les évaluer. Au lieu de leur concocter une interrogation banale, ennuyeuse à corriger, il s’était laissé emporter par la délicieuse atmosphère de légèreté et de liberté qui planait sur le lycée à l’approche des vacances d’avril, et leur avait demandé de lui rédiger un texte sur Pompéi. Un hommage, en quelque sorte.
Les premières copies qu’il avait lues étaient moyennes, ou bonnes, mais sans passion. Le ton était factuel, et bien qu’il ait été ravi de constater qu’il avait réussi à leur transmettre un savoir tout à fait respectable, il avait été un peu déçu. Où était donc la passion ? L’amour de l’antiquité ? Toutes ces émotions qu’il espérait susciter ?
Et puis… il était arrivé à la copie de Lola. Sans pressentiment particulier.
Sans rien qui puisse le préparer.
Elle ne racontait pas une histoire triste, elle. Elle évoquait, certes, comme tous ses camarades de classe, la fin tragique, le Vésuve, les morts, figés à jamais dans les cendres. Mais pas une seconde elle ne laissait place au pathétique. Elle reconnaissait le poids des morts, qui planaient sur la ville ; mais elle faisait de son texte une ode aux vivants.
Un chant pour la vie.
Il n’avait qu’à fermer les yeux pour laisser les mots l’emplir tout entier – il les entendait résonner dans son esprit, dessinant pour lui des images de rues écrasées de soleil, de couleurs chaudes de soleils couchants, de splendides monuments à la blancheur d’albâtre.
Comment pouvait-elle retranscrire avec tant d’exactitude l’atmosphère de Pompéi ? Il était certain qu’elle n’y était jamais allée : il avait demandé à la classe, avant de commencer la séquence, qui s’y était déjà rendu. Et pourtant, ses mots, offerts à la page comme un merveilleux cadeau, brossaient le portrait d’une ville endormie, un temple du passé où l’humanité venait se recueillir, imaginer son avenir. Elle ne parlait pas d’une cité figée dans la cendre. Elle parlait d’une ville surprise en plein sommeil, d’une certaine manière encore vivante, même si tous ses habitants étaient morts depuis des siècles. Elle décrivait un sanctuaire bien plus qu’archéologique – un sanctuaire de l’humanité.
Il la relisait, encore et encore, sans pouvoir s’arrêter.
La copie.
Un sanglot le secoua. Libérateur. D’autres suivirent. Enfin… Il lui semblait que c’étaient des années passées à se maîtriser qui étaient soudainement rattrapées. Ne jamais pleurer, ne jamais regarder en arrière. Ne jamais admettre qu’il était un être humain, animé par ses émotions. Les hommes ne pleurent pas, n’est-ce pas ? Et d’une manière générale, les gens bien élevés ne pleurent pas. Les gens civilisés ne se laissent jamais aller.
N’est-ce pas ?
Il la repoussa.
La copie.
Il ne voulait pas risquer de l’abîmer.
Comment avait-elle fait ? Comment avait-elle pu… rompre les digues qu’il avait mis des années à construire ? Libérer le flot de souvenirs ? Le mettre face à son passé ?
Par quel miracle avait-elle réussi ?
Si Pompéi était toujours aussi fréquenté, année après année, c’était à cause de l’atmosphère unique des lieux. Le site pullulait toujours de touristes, portables sortis, ravis de pouvoir ajouter les vestiges à la liste des lieux incontournables qu’ils avaient visités, mais aussi d’authentiques amoureux de l’Antiquité ; mais malgré les différences de comportement, de regard, de nationalité, quelque part, ils venaient tous pour la même raison. Quelque part, au fond d’eux-mêmes, ils étaient tous irrésistiblement attirés là.
Dans ce monde où « les hommes (…) s’enfournent dans les rapides, mais (…) ne savent plus ce qu’ils cherchent », ils venaient tous à Pompéi dans l’espoir inconscient de retrouver leurs racines, et un sens à leur vie. Comprendre d’où ils venaient, où ils allaient. S’offrir une pause pour réfléchir, quitter les rapides. Et pourtant, aucun ne se l’avouait. Aucun ne voulait reconnaître qu’il tentait de renouer le lien avec le passé, dans ce monde où il s’agit d’un poids encombrant, où l’avenir est la seule promesse, le seul idéal.
Lui aussi, il avait voulu tirer un trait sur le passé, s’en débarrasser. Purement et simplement.
Mais on n’oublie jamais Pompéi. On essaie, mais on n’y parvient jamais.
Il s’en souvenait comme si c’était hier. Et pourtant, une dizaine d’années s’étaient écoulées…
Pompéi devait être le clou du spectacle. Le voyage avait duré une semaine – ils avaient planifié minutieusement chaque étape, chaque journée. La Toscane avait été leur point de départ – Florence, Sienne, San Gimignano. Puis ils étaient descendus jusqu’à la baie de Naples – ils avaient grimpé sur le Vésuve, découvert l’antique ville de Paestum, et s’étaient offerts, pour leur dernier jour, une visite d’une journée entière de Pompéi.
Le soleil cognait sans répit – il faisait chaud, le site tout entier bruissait des murmures des touristes, intimidés par les âmes des morts qui paraissaient hanter la ville. En plein jour, la ville semblait revivre.
Le temps n’avait que peu d’emprise, là-bas. Lui qui était d’ordinaire omnipotent et tyrannique se trouvait à Pompéi réduit, diminué, tant les paradoxes et les dérogations à sa loi étaient nombreux. Les trotteuses des montres ne paraissaient plus filer à la même vitesse – la ville semblait engluée dans une bulle hors du temps, où les minutes, remplies d’émerveillement, duraient des heures. Et puis, la chronologie linéaire du monde était allègrement rompue – le futur rencontrait le passé, le passé influençait le futur, sous le ciel implacablement bleu.
Ils avaient arpenté main dans la main les vieilles rues pavées, s’étaient introduits dans les maisons, gravant dans leurs mémoires les splendides fresques et mosaïques. Seuls, en tête à tête tous les deux, avec les morts, le passé, et le soleil. Les autres touristes qui se pressaient, consommant les lieux, avides de splendides photographies et d’explications historiques, avides de découvertes uniques, avides secrètement de sens, ne comptaient pas. Ils faisaient partie du décor, du charme mystérieux et unique de Pompéi.
A aucun des deux il ne serait venu à l’esprit que sur la ville planait une atmosphère un brin sinistre, un air de cimetière. A leurs yeux, tout débordait de vie : les herbes folles bousculées par la brise, les fleurs colorées poussant dans les arrière-cours abandonnées, les insectes les butinant, les oiseaux que l’on entendait chanter, les pierres elles-mêmes, paraissant respirer un air qui n’appartenait qu’à elles. Et eux.
Eux, dont les cœurs se consumaient joyeusement, à l’unisson. Ils ne le savaient pas, mais cette longue promenade dans la ville antique avait déjà un goût de dernière fois. Et pourtant, ils étaient plus vivants que jamais… car la vie passe surtout dans les ruptures, dans le tonnerre des passions débutant ou se finissant, dans le fracas des séparations et des réunions, dans les ultimes moments : naissance et mort.
Cela faisait maintenant environ dix ans, et pourtant, il gardait de cette journée un flot de sensations fantômes, imperceptibles et pourtant toujours réelles – les rayons du soleil sur sa peau, la fraîcheur de la brise, les murmures de la ville endormie, les craquements des grands arbres à côté du théâtre antique, et la sensation exquise de sa main contre la sienne. Le goût, à peine évanoui, de leur pique-nique, le midi. Les couleurs saisissantes du coucher de soleil, auquel ils avaient assisté comme on assiste à la fin d’une pièce de théâtre, le souffle coupé.
Lorsqu’il était retourné en France, il s’était hâté de tirer un trait sur le passé, d’oublier leur relation, dispersant les cendres de ce feu qui les avaient consumés. Il avait jeté les cadeaux et les photos. Il avait rendu les vêtements et les produits de beauté qui traînaient dans son appartement. Il avait effacé le numéro de sa liste de contacts, ainsi que les traces de leurs échanges : mails, textos, tout y était passé. La purge avait été rapide, mais efficace. L’oubli paraît toujours être le meilleur baume pour les cœurs brisés.
Il avait fini par cadenasser tous les souvenirs se rapportant à elle dans un recoin de son esprit. Sans pitié. Pompéi avait suivi le mouvement. Il avait refusé d’y penser comme ce sanctuaire hors du temps, débordant de vie, d’espoir, de réponses, d’humanité, qu’il avait découvert avec elle. Il n’avait voulu y songer que comme une curiosité archéologique, une mine d’informations sur l’Antiquité… et un objet d’étude sympathique pour ses élèves. Niant le passé. Niant tout ce que la ville représentait en réalité, la Vie qu’elle incarnait.
Il avait refusé de voir que c’était écrit, que la vie est avant tout définie par les ruptures et les chutes. Il avait refusé d’accepter que Pompéi, jusqu’au bout, avait été fidèle à elle-même, incarnant cette vie effrayante et pourtant tellement palpitante. Il s’était enveloppé dans son amour-propre en miettes, dans les lambeaux de son cœur blessé, s’aveuglant délibérément.
Elle l’avait trompé, elle l’avait trahi.
Alors les souvenirs devaient mourir. N’est-ce pas ?
Pourtant, une sorte de fascination inconsciente pour la ville l’avait toujours habité, le poussant à traquer les articles la concernant, à en faire le sujet de certains de ses cours. Année après année.
Jamais il n’aurait pensé que la copie, cette copie d’apparence banale, anodine, romprait la barrière mentale, romprait ses défenses, et ferait tout basculer.
Jamais il n’aurait pensé qu’une simple copie le ferait voyager dix ans en arrière, le ferait repenser à toutes ces choses…
Les larmes ne cessaient de couler. Pas de tristesse. Juste d’émotions trop longtemps contenues.
Lorsqu’il était rentré en France, le cœur brisé, il n’avait pas laissé sa rage, sa frustration, sa douleur, s’exprimer. Il les avait enfermés au plus profond de lui-même, comme des braises incandescentes qui ne cessaient de le faire souffrir.
Il ne s’était jamais autorisé à pleurer sur ce qu’il avait perdu, et sur ce qu’il avait gagné.
Il relut la copie. Une dernière fois.
Puis il se leva.
Attrapa son ordinateur.
Réserva un billet d’avion, aller simple, pour Naples. Et une chambre d’hôtel… près de Pompéi.
Il était temps de vivre.