Communiqué de presse en date du 30 janvier 2018, "Mise en oeuvre de l'enseignement facultatif de langues et cultures de l'antiquité" (APLettres, CNARELA, Sauver les lettres, SEL, APFLA-CPL, APLAES)
La CNARELA, Sauver les Lettres, l’APLettres, Sauvegarde des enseignements littéraires, l’APFLA-CPL et l’APLAES saluent la publication de la circulaire n°2018-012 dans le Bulletin Officiel du 25 janvier 2018, explicitant le statut, les horaires et le financement des enseignements de latin et grec ancien au collège et au lycée. Des paroles encourageantes, le ministère passe donc aux prescriptions.
Cette circulaire rend tout d'abord hommage au rôle essentiel des langues anciennes dans la maîtrise du français et des langues, ainsi qu’à leur importance culturelle et scolaire, que les précédents ministères leur avaient déniés.
Elle rappelle ensuite le rôle primordial des professeurs de Lettres classiques : combatifs, ils se sont mobilisés avec constance pour défendre leurs enseignements lorsque l’ancien ministère a cessé de leur reconnaître le statut de discipline ; ils ont continué à promouvoir le latin et le grec ancien en affirmant le droit de tous les élèves à apprendre ces langues formatrices, tandis que la parole officielle les accusait de soutenir des privilèges et une culture de caste.
Elle est enfin surtout généreuse pour les collégiens et lycéens, en soulignant à plusieurs reprises le refus de toute discrimination dans l'accès de tous les élèves volontaires au latin et au grec ancien. La ségrégation que les précédents ministres ont encouragée, soutenue et entretenue, en donnant toute licence aux décisionnaires hiérarchiques d'agir comme bon leur semblait, disparaît. La circulaire reconnaît ce droit fondamental de tout élève à accéder au latin et au grec ancien, rejetant les prétextes et les procédés d'une sélection méprisante contre laquelle les professeurs de Lettres classiques luttent encore : tirages au sort, jugements hâtifs sur le « niveau » d’un élève, à seule fin de limiter les effectifs de latinistes et d'hellénistes.
Après toutes les contorsions d'expression et d'organisation qui caractérisaient les directives de la réforme du collège en 2015, cette circulaire va peut-être mettre un terme à des pratiques d'un autre âge, mises en œuvre par les hiérarchies rectorales, administratives et parfois pédagogiques.
On saluera en particulier les mesures spécifiques prises à l'égard des établissements de zones défavorisées (REP ou REP+), la recherche récente ayant suffisamment démontré que les langues anciennes développent les chances de réussite scolaire des élèves les plus démunis. La circulaire prescrit clairement les effectifs requis pour ouvrir de nouveaux groupes, excluant un seuil minimal d'ouverture (ainsi pourront prendre fin les arguties de nombreux personnels de direction qui au nom de l’ « autonomie des établissements » - dont on voit ici combien le principe est délétère - inventent sans cesse de nouvelles règles imaginaires, variables d'une académie à l'autre) ; elle rappelle le « cadre national » des horaires officiels (1h-3h-3h en latin, 3h en grec ancien) qui doivent être respectés ; elle appelle à placer les cours de latin et de grec ancien à des heures de la journée non dissuasives.
Une contradiction majeure subsiste cependant au sein même d'un texte précis. Le ministère a maintenu en effet une formule ambiguë de l’ancien arrêté du 19 mai 2015 : "dans la limite d'une heure hebdomadaire en classe de cinquième et de trois heures hebdomadaires pour les classes de quatrième et de troisième", laissant ainsi aux personnels de direction la possibilité d'interpréter ces horaires comme un maximum et non comme la règle.
La qualification des professeurs de Lettres classiques, formés et recrutés dans les trois disciplines qu'ils enseignent, français, latin et grec ancien, est par ailleurs rappelée. Toutefois, la "certification" de professeurs d'autres disciplines, promue dans ce texte, est dangereuse pour les concours de Lettres classiques et la formation approfondie, linguistique, littéraire et historique que requiert l'enseignement des langues anciennes. Il s’agit certes d’une tentative pour pallier les dramatiques difficultés de recrutement de professeurs, mais nous tenons à rappeler que le CAPES et les agrégations de Lettres classiques et de grammaire sont les seuls concours qui attestent réellement des capacités des candidats ; nous n’accepterons pas que nos disciplines soient reléguées au rang de certification complémentaire. Le renouvellement du vivier dans l’enseignement secondaire permettra de former les générations futures tout en donnant à l’enseignement supérieur et à la recherche un nouveau souffle.
Les professeurs de Lettres classiques restent très vigilants sur la mise en œuvre effective des mesures prises et ne crient pas victoire. Si cette circulaire redonne explicitement aux langues anciennes leur statut d'options et un horaire défini nationalement, cet horaire n'est pas garanti dans les termes ni dans les faits : il ne figure pas dans les « grilles » des enseignements et reste dépendant d'une « marge » de dotations affectée aussi à d'autres modalités (dédoublements, dispositifs d'aide aux élèves et autres options) qui ne doivent pas entrer en concurrence.
Cette circulaire ne saurait en outre détourner leur attention de la réforme du lycée, inquiétante dans ses fondements même, et pour l'avenir de leurs disciplines.
La CNARELA, Sauver les Lettres, l’APLettres, Sauvegarde des enseignements littéraires, l’APFLA-CPL et l’APLAES renouvellent donc instamment leurs demandes : que les horaires de latin et de grec ancien en vigueur avant la réforme du collège soient rétablis en tant qu'horaires plancher au niveau national et qu'ils soient enfin financés par des moyens « fléchés » (c'est-à-dire réservés) dans les dotations horaires des collèges et des lycées, sans quoi les textes officiels resteront sans effet.