En tant que secrétaire de l’association, je reçois parfois des courriers contenant un petit mot de nos adhérents. Cette année, deux lettres ont particulièrement retenu mon attention. Elles sont arrivées à quelques jours d’intervalle au mois de septembre : toutes deux avaient été rédigées par des grand-mères soucieuses de l’apprentissage de leur petit-enfant, scolarisé pour l’un dans un collège d’Agen, pour l’autre dans un collège près de Rouen. 750 km séparent ces deux élèves de 5e mais ce n’est pas le plus grand écart : alors qu’en Normandie, notre adhérente se réjouissait que son petit-enfant puisse commencer le latin, en Aquitaine au contraire notre autre adhérente ne pouvait que déplorer l’absence totale de cet enseignement. Ces deux témoignages aboutissent au triste constat d’une discrimination géographique. Nous rappelons chaque année les différentes causes de cette situation et de la disparition progressive des enseignements de langues anciennes, encore plus marquée au lycée.
Alors, que faisons-nous à notre échelle ? Certes, nous poursuivons nos contacts au MEN pour tenter de peser sur les décisions. Mais pour le MEN les effectifs ont force de loi : partout où les groupes d’élèves sont maigres l’enseignement des LCA est fragilisé. Aucun établissement, même les plus importants lycées des métropoles régionales, n’est à l’abri. Alors que faisons-nous ? J’ai repensé à la discussion que nous avions eue l’an dernier, lors de notre précédente AG. Certains doutaient de l’utilité de financer des voyages scolaires, ce qui constitue pourtant le plus gros pôle de nos dépenses annuelles. En réalité, ces voyages (ainsi que tous les autres projets concrets menés par nos collègues) sont devenus nécessaires. Il ne s’agit pas de faire les louanges de la pédagogie par projet : ce n’est pas parce que nos collègues partent quelques jours en Bourgogne, Provence, en Italie, en Espagne, en Grèce pour les plus chanceux (ou les plus courageux si l’on tient compte du temps de trajet), qu’ils ne font pas de langue dans leur cours. Ce n’est pas non plus parce que la plupart de ces destinations font penser au soleil et à la mer qu’il faut considérer ces voyages comme des vacances (après tout, ce n’est pas de la faute des collègues si Rome se trouve dans le bassin méditerranéen et non près du cercle polaire). Et quand bien même, les élèves qui font des heures supplémentaires et travaillent parfois dans des conditions peu agréables (je pense notamment à ceux qui ont cours de latin le mercredi de 12h à 14h, stylo dans une main, sandwich dans l’autre), ces élèves n’auraient-ils pas droit à une forme de récompense ? Mais surtout, ces voyages permettent aux collègues de prouver – et je ne choisis pas ce mot au hasard – leur engagement à leur direction, d’obtenir une visibilité vitale, et – j’y reviens – de susciter l’intérêt des élèves pour maintenir un effectif jugé suffisant. J’ouvre ici une parenthèse : certaines directions soutiennent avec enthousiasme les projets de leurs enseignants, il faut le souligner et les remercier !
Quand nous soutenons ces projets, nous ne faisons pas acte d’agence de voyage, nous participons au maintien des effectifs parce que nous aidons nos collègues à garder une forme d’attractivité parmi d’autres. C’est aussi une forme de combat puisque les effectifs sont devenus le nerf de la guerre. Nous continuerons donc à soutenir, dans la mesure de nos moyens (c’est-à-dire dans la mesure de nos propres effectifs…) les voyages, les festivals, les Journées Découvrir l’Antiquité, les concours… car le besoin est là.